Il y a ce plan, plan serré, légèrement en plongée sur leur deux visages, front contre front. Ce plan qui les isole et les emmène hors de tout lieu. De tout temps.
Loin. Etre autre part.
C'est un peu ça en fait. Ou peut être, être au plus proche de la vie, savoir que, quelque part, après, il y a cet effrayant inconnu, vide de tout.
Alors espérer une minute de plus à chaque moment, le temps d'être préparé.
Aller au delà de la souffrance, de la tristesse. Dépasser l'aspect angoissant de la mort pour se retrouver à s'aimer, le temps de quelques mois, de quelques instants partagés assis sur un banc, au bord de l'eau.
Voir ce que personne d'autre n'aurait l'idée d'observer. S'attacher au rationnel, pour se rassurer. Se convaincre du peu d'importance de la vie humaine, au final, dans l'Histoire, celle qui nous échappe, celle avec un grand H.
Affronter les douleurs enfouies, évitées jusqu'alors parce-que leur violence nous agrippe et nous hante. Puis, les accepter.
Les accepter pour sourire et sentir que la vie continue.
Enoch est allongé sur le sol, il dessine les contours de son corps à la craie, sur le béton.
LE premier plan du film, en plongée nous immisce dans les recoins les plus intimes de ce jeune homme.Il nous initie à la souffrance, à la façon dont il s'enferme à l'intérieur de sa douleur.
Impossible de ne pas penser à "Harold et Maud". Les enterrement, la rencontre. La vie, coûte que coûte, plus forte et plus belle que la mort.
Une histoire d'amour.
Bouleversée par un regard, par le sentiment d'impuissance qui croît au fil des images.
Bouleversée par une fragilité omniprésente.
Emue par ces plans fuyants qui s'enchaînent et qui laissent le temps s'échapper pour finir vides.
Une fin de toute beauté.
Un film sur le deuil, sur l'amour.
Un film sur la vie.
Kanaillou